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Fin de la durée légale du temps de travail ou son allongement, transfert massif de charges de la protection sociale des entreprises vers les ménages, cadeaux fiscaux au patronat, reconnaissance idéologique de la figure « incontournable » de « l'entrepreneur », liquidation programmée de services publics comme la SNCF :.. Le grand reniement des revendications historiques du mouvement ouvrier par la droite, notamment ceux et celles qui usurpent le mot socialiste, est en marche, avec la modération complice des communistes et progressistes de parti ou de syndicat.

Au cœur du reniement : l'appropriation de la compétitivité comme grande cause nationale alors qu'il ne s'agit que d'une préoccupation et d'un vocabulaire de capitaliste.

La classe capitaliste a réussi une nouvelle fois à imposer ses enjeux et ses revendications comme étant essentiels pour tous et toutes. Tous les médias, tous les partis, tous les travailleurs se sentent concernés par cette nouvelle grande cause nationale : la compétitivité. Mais en quoi cela est-il si important pour notre avenir ? La compétitivité est un terme ambivalent et comme toujours en communication on joue sur les doubles sens pour faire passer un message. Chacun comprend d'instinct qu'être compétitif, c'est simplement être en capacité de faire au moins aussi bien que les autres dans une situation de concurrence. Et personne n'imagine ou ne souhaite effectivement se retrouvé dans une telle situation quand on projette cela sur soi-même.

Mais dans le domaine macro-économique, l'obsession se traduit  et se mesure surtout par la capacité à vendre durablement  le plus possible des biens ou des services sur n'importe quel marché. Autrement dit, ce qui est véritablement en jeu, c'est la variation du chiffre d'affaire des entreprises françaises, le fait qu'elles reculent en part de marché et rapportent moins d'argent à leurs propriétaires.  Ce tableau ci-dessous, confirmé par les chiffres 2010 récents, illustre le souci des capitalistes : malgré des couts salariaux stabilisés et diminués depuis 1990 à 66% de la valeur ajoutée, le taux de marges a plongé de 32 % à 27 % depuis 2007.

 

  taux de marges

Alors quelle est le fond du problème ? Un chiffre d’affaires en baisse et/ou des consommations intermédiaires en hausse (tout ce qui consommé pour la production : matériaux, énergies, matières premières) et c’est au bout des prélèvements des bénéfices en moins pour rémunérer le capital et l’état.

 En effet, les remboursements des emprunts et intérêts bancaires, les paiements des dividendes et intéressements aux actionnaires ou dirigeants et paiements de l’impôt sur les sociétés à l’Etat interviennent après déductions faites des charges d’exploitation, notamment dus à la main d’œuvre.

Ils ont donc tous intérêt, Banques, dirigeants, actionnaires et Etat, à voir les charges d’exploitation diminuer. Et peu leur importe, contrairement à ce qu’ils disent, que le bénéfice permettent aussi d’augmenter les fonds propres (la trésorerie) ou d’investir.

  

Relativisons : la « baisse » du chiffre d’affaire fut ponctuel et n’est pas pour tout le monde ni dans les mêmes proportions.

 

Indice d'évolution du

 chiffre d'affaires total

Année :

 2011

Année :

 2010

Année :

 2009

Année :

 2008

Indus. manufacturière, extract. & autr.

116,8

108,8

102,2

114,9

construction

120,3

113,8

116,6

122,8

Commerce ; répar. automobile & motocycle

115,1

108,4

103,5

113

Ac., spé., sci. & tec., svces adm. & stn

124,2

117,2

114,8

117,3

Information et communication

121,4

118,2

114,5

115,5

Activités immobilières

111,1

109,4

106,8

106,9

Transports et entreposage

119,2

115,2

108,1

115,7

Hébergement et restauration

118,1

114,2

109,3

109,8

 

Unité : indice base 100 en 2005

Source : Source administrative sur les déclarations de TVA (INSEE)

Graphique 2

 

Contrairement aux affirmations catastrophistes des patrons et de leurs relais médiatiques, nous pouvons constater que le chiffre d’affaire n’a plongé qu’en 2009 suite à la crise financière mondiale de 2008 et à la baisse de consommation. Depuis lors, les profits sont bel et bien repartis àla hausse. Certes, selon les secteurs et la taille des entreprises, l’effet se fait plus oui moins durablement sentir encore aujourd’hui. Les TPE, toutes petites entreprises de moins de 11 salariés, sont ainsi plus directement dépendantes de la consommation des ménages et paient les baisses de pouvoir d’achat et les licenciements en cascade.

 

Il n’en reste pas moins que la notion de perte de compétitivité demeure assez obscure à la vue de ces données et repose entièrement sur le déficit du commerce extérieur. Il est plus vraisemblable qu’une nouvelle fois une légende montée de toutes pièces servent d’autres intérêts. L’objectif est surtout de reconstituer un capital en partie dilapidé pendant la crise 2008-2009 et d’en profiter pour pratiquer une forme de chantage à la baisse du coût du travail qui n’est que du bluff. La compétitivité apparait donc pour ce qu’elle est réellement : un argument qui vise à accroitre plus rapidement les taux de marges et les bénéfices pour des capitalistes qui en veulent toujours plus. Ce qui leur est intolérable, c’est que les charges d’exploitation progresse plus vite que leur chiffre d’affaire. Mais il y t-il péril en la demeure ? Pas du tout.

 

Leur solution ? Diminuer encore et toujours les charges d’exploitation, et en premier lieu le coût du travail.

Disons franchement « encore et toujours » car le graphique n°1 suggère en trompe l’œil que les salariés on globalement perçu la même part des richesses produites depuis 1990. Or, outre que ce volume cache de fortes disparités de revenus et une aggravation des inégalités entre salariés, d’autres faits font qu’en réalité les travailleurs-euses ont vu leurs revenus diminuer : la variation du nombre d’actifs qui se partagent le même gâteau et la croissance des indices de prix à la consommation et de l’immobilier.

 

INDIC

Actifs avec contingent

 (en milliers)

Actifs sans contingent

 (en milliers)

Taux d'activité

 (en pourcentage)

Population totale

 (en milliers)

Emploi total (en milliers)

ANNEE

1990

25 525

25 274

56,8

44 938

13193,7

2010

28 842

28 842

56,8

50 809

13599,1

Taux d'évol.

 90-2010

13,00%

14,12%

0,00%

13,06%

3,04%

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Champ : France métropolitaine, personnes de 15 ans et plus.

Source : Insee, estimations d'emploi et chômage BIT (ménages ordinaires et ménages collectifs).

Graphique 3

 

Comme nous pouvons le vérifier ci-dessus, le nombre d’actifs à rémunérer hors contingents à augmenté de14,12 % depuis 1990, soit de plus de trois millions de personnes. Ces nouveaux actifs arrivés sur le marché du travail ont donc du se partager une part de richesse produite équivalente à celle de 1990. Et comme il n’y a pas eu suffisamment d’emplois créés (+3,04%), ils sont allés grossir les rangs des chômeurs et des emplois à temps partiels imposés, lesquels sont largement moins bien indemnisés ou payés que des actifs occupés à temps plein comme chacun-e le sait.

Dans le même temps, les indices de prix ont fortement augmenté : + 40 % pour les prix à la consommation en 20 ans et + 136% pour l’immobilier ancien ! L’immobilier a, de ce point de vue, plusieurs vertus pour les capitalistes. D’une part, il permet d’accaparer une part de l’épargne salariale grâce aux produits d’investissement locatif défiscalisés et d’autre part il génère une augmentation sans précédent de l’endettement des ménages qui accèdent à la propriété de part les prix pratiqués prohibitifs, lequel endettement rapportent des intérêts lucratifs et musèlent les salariés, obligés de rembourser pendant des décennies. Cette charge s’est notamment surtout alourdie pour les 20 % des ménages les moins aisés.

Autrement dit, il y a bien eu une baisse du cout du travail sans précédent depuis 20 ans et le chômage, loin de plomber les comptes de la nation, est une aubaine utilisée par le patronat pour garantir un taux marge élevé. .

Pour terminer de s’en convaincre, ajoutons que les mêmes entreprises n’ont eu de cesse en 25 ans de transférer le coût des cotisations sociales vers les ménages, cela grâce à une politique très favorable d’exonérations sans contre-parties et remplacées par l’augmentation de la CSG prélevée sur tous les salaires. Les actifs indemnisés ou rémunérés se voient donc de plus en plus contraints de financer eux-mêmes leur protection sociale. Ce point a aussi déjà et de longue date permis d’enrayer la hausse du coût du travail.

 

Ventilation des cotisations du régime général

 

Ménages

Entreprises

Administrations publiques

1983

26 %

61 %

13%

2010

45 %

45 %

10%

 

 

 

 

 Source : mutualité française

 

Le patronat ne cesse de répéter que transférer sur la TVA ou la CSG lui est indifférente, car ce sont deux impôts. La CSG, comme la taxe sur le tabac ou l’alcool, est un impôt affecté. C’est un impôt sur les revenus, retenu à la source (d’où les propositions de fusionner impôt sur le revenu et CSG).

Avec la TVA comme avec la CSG, ce sont pour l’essentiel les salariés, retraités, chômeurs qui paient (90 % pour la CSG) ce que les actionnaires gagnent.

 

La compétitivité de l’outil de production est un souci patronal : le notre est sa rentabilité sociale.

Le bilan de ces quelques données est édifiant : la compétitivité réclamé à corps et à cris est celle qui vise la rentabilité financière, c'est-à-dire la maximisation des profits reversés aux banques, actionnaires et même à l’Etat. Les travailleurs ont depuis 20 ans largement perdu de leur part sur la richesse qui s’est créée grâce à leurs efforts. Tandis qu’ils ont continué à produire toujours plus, la part salariale a stagné alors qu’ils étaient plus nombreux, qu’ils ont pris en charge une grosse partie des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises et que leurs besoins se sont accrus plus vite du fait de l’inflation, notamment des biens immobiliers.

C’est pour ces raisons qu’il est inacceptable d’exiger davantage des travailleurs-euses. Mieux, la maximisation des bénéfices nets pour les capitalistes n’est pas notre problème. Seule la rentabilité sociale de l’outil de production compte réellement : le nombre d’emplois disponibles, des rémunérations indexées sur la hausse des prix (le salaire mobile) et des conditions de travail de qualité ou santé, participation aux décisions et initiatives sont admises. Que les résultats économiques le permettent suffit, pas besoin de conquérir le monde pour assurer une marge confortable aux capitalistes. En lieu et place de compétitivité, à partir du moment où une entreprise dégage un excédent d’exploitation, il n’y a pas de raison d’accepter ni licenciement ni baisse de rémunération ni allongement du temps de travail.

Le cout du travail ne doit pas être la variable d’ajustement qui vise à garantir une rente aux capitalistes, aux banques et à l’Etat : bien au contraire, ce sont les rentes qui doivent diminuer afin de garantir un niveau de rémunération en croissance et une amélioration constante des conditions de travail pour les travailleurs-euses. Parmi ces rentes qui doivent diminuer, il y a bien-sûr les dividendes, les intérêts bancaires mais aussi les impôts de substitution aux exonérations de cotisations sociales patronales que sont les CSG et TVA majorées. Enfin, n’oublions pas la rente immobilière : la lutte contre les spéculateurs en zone urbaine et contre la pénurie de logements corrects, locatifs ou en accession à la propriété, participe pleinement de la réappropriation dela richesse. Lapart de revenus d’activité consacrés au logement doit absolument repasser sous la barre des 15% qui était son niveau moyen au début des années 1990 (contre environ 25 % de nos jours).

 

Source :

http://www.bdm.insee.fr/bdm2/choixTheme.action?code=47#arbo:montrerbranches=theme125

http://www.bdm.insee.fr/bdm2/choixTheme.action?code=20

http://www.alisse2.insee.fr/SelectionMesureT1.jsp?item=ACTIVI

http://resultat-exploitations.blogs.liberation.fr/finances/2010/10/dividendes.html

http://lexpansion.lexpress.fr/economie/les-francais-consacrent-un-quart-de-leur-revenu-au-logement_291760.html

http://www.inegalites.fr/spip.php?article1537