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 Texte paru dans le bulletin du CSR1 d'octobre 2009.

C’est un phénomène récurrent que celui des tentatives de construire des collectifs « de boîtes en lutte ». En 2003, plusieurs équipes militantes syndicales s’étaient retrouvées dans l’action (manifestation parisienne,…) avec notamment les Daewoo de Mont-Saint-Martin en Lorraine.

Aujourd’hui, des collectifs existent parfois localement. Mais il y a une tentative plus ambitieuse, parce que la crise capitaliste frappe plus fort les ouvriers. Ce nouveau projet a été initié par le rassemblement national à Châtellerault en juillet dernier, poursuivi en septembre en Gironde à l’appel des Ford de Blanquefort, et a donné lieu à une réunion semi-improvisée le 17 septembre après la manifestation devant la Bourse. D’autres appels et collectifs existent, qui mettent tous la nécessité de se coordonner dans les luttes pour les faire converger.

L’existence de ces collectifs traduit d’abord les faiblesses du syndicalisme dans le privé. Mais cela traduit surtout et principalement, le refus pour certaines ou l’incapacité pour d’autres, des fédérations d’industrie de ces secteurs à faire vivre une véritable coordination des luttes, à mettre en place un véritable plan de bataille par branche.

Les aspects négatifs

 

On remarque d’abord une coupure nette dans ces collectifs entre le privé et le public. Cela n’a rien à voir avec une volonté de ces collectifs de se couper des luttes du secteur public. Au contraire, cela démontre l’état de corporatisme atteint par les syndicats des secteurs publics.

 

 

Aujourd’hui les tentatives sont encore embryonnaires et sont donc minoritaires. Le risque est réel d’un enfermement dans le caractère « boîtes en lutte », qui laisse de côté par exemple les donneurs d’ordre, mais aussi la majorité des licenciés, présents très majoritairement dans les PME.

 

 

Les collectifs se heurtent bien souvent à des refus de structures syndicales d’impulser la coordination et la convergence. Et pas seulement au niveau national. Cela existe au niveau d’unions locales et d’UD. Les collectifs de « boîtes en lutte » n’offrent pas actuellement de perspectives par rapport à cette situation.

 

 

Enfin se pose la question de l’efficacité des formes de la coordination des luttes. Ces collectifs sont par nature interprofessionnels. Le risque est de ne pas se fixer comme une des tâches prioritaires des plans de lutte par industrie, par branche, pour combattre les donneurs d’ordre et les multinationales. Et qu’enfin les travailleurs ne sont plus mis en concurrence avec les salariés d’une entreprise « rivale ».


Les aspects positifs

Mais cela ne doit pas occulter le fait que ces collectifs doivent être des points d’appui pour la résistance et la préparation d’une offensive du prolétariat.

Ces collectifs militants popularisent la nécessité d’une coordination de la lutte ouvrière contre le capital. Les formes radicales des luttes démontrent alors l’urgence d’établir un véritable rapport de force face au gouvernement et au patronat. Autant de vérités qu’il faut marteler.

Ces collectifs posent aussi la question de la gestion démocratique des luttes, indispensable pour véritablement les ancrer à une échelle de masse.


Comment poursuivre ?

Pour que les aspects négatifs ou potentiellement négatifs de ces collectifs ne prennent pas le dessus sur leurs aspects positifs, il faut que très rapidement ils clarifient leurs perspectives et leur stratégie.

Ces « boîtes en lutte » sont confrontées à des difficultés immédiates que sont les plans de licenciements. La lutte se fait-elle sur le maintien des emplois ou sur le montant du chèque que propose le patronat ? Les équipes militantes de ces boîtes qui sont dans les collectifs, sont parfois minoritaires sur la position de maintien des emplois. Comment gérer les situations où les emplois sont supprimés et les montants de primes supralégales jugées majoritairement satisfaisantes par les ouvriers face à un manque de perspectives ou sous la pression des égoïsmes individuels ?

Actuellement, ces collectifs ont joué un rôle de popularisation, de soutien moral ou matériel parfois par la présence de délégations devant certaines boîtes. Mais cela ne suffira pas pour gagner.

Il faut une stratégie qui permette de répondre à l’immédiat mais aussi à l’avenir.


Ces collectifs ne seront utiles que s’ils permettent d’impulser des coordinations de syndicats par branche, par industrie, en dépassant les divisions des conventions collectives, comme dans l’automobile par exemple, où pour la CGT il y a 4 fédérations « impliquées » : métallurgie, verre, chimie et textile. Il faut un plan de lutte qui identifie les points forts et les points faibles du patronat, et donc aussi ceux de notre camp, mais par branche d’activité. Ces collectifs doivent donc fonctionner comme de véritables syndicats d’industrie locaux, y compris unitaires si plusieurs syndicats sont dans le coup. La bataille doit être menée de manière acharnée dans les structures syndicales pour porter le combat à son niveau général. Il faut contacter TOUS les syndicats d’une même branche d’une zone industrielle ou d’un bassin d’emploi, il faut harceler les directions d’UL et d’UD pour avoir TOUS les contacts, afin de coordonner la BRANCHE elle-même, et donc ensemble « boîtes en lutte » et celles qui ne le sont pas encore. Cela permettra, en concentrant les forces par branche, de toucher les boîtes qui ne sont pas en lutte mais où il y a des liquidations ou des licenciements. Il s’agit de voir comment on peut mettre par exemple les donneurs d’ordre à genoux en bloquant la chaîne des sous-traitants. Il s’agit de poser tout de suite la nécessité d’élargir la coordination au niveau international par la lutte par industrie. Il faut organiser la lutte par branche en priorité dans celles où l’on pense pouvoir avec cette stratégie engranger des VICTOIRES contre la logique capitaliste.

Mais cette stratégie qui vise l’efficacité immédiate de la lutte a aussi comme but de précipiter la création et le renforcement du syndicalisme d’industrie. Cela renforcera alors les capacités militantes pour bloquer la production dans des industries stratégiques, capacités indispensables pendant la grève générale, mais aussi capacités indispensables pour gérer les branches en cas de victoire finale du prolétariat.


De même, ces collectifs vont devoir clarifier leur stratégie au niveau interprofessionnel. La solidarité matérielle que ces « boîtes en lutte » peuvent s‘apporter est très limitée pour des raisons évidentes. L’efficacité dans ce domaine ne peut venir que par l’investissement massif dans les UL et leur renforcement. C’est une tâche prioritaire des syndicats de ces collectifs. C’est la seule façon de populariser et de trouver des soutiens matériels. Car il ne s’agit pas aujourd’hui de la solidarité de tout le prolétariat pour une seule boite emblématique. Le ravage de la crise capitaliste touche trop de monde. La solidarité est à construire d’abord au niveau local. A court terme, il y a bien entendu des défaites. Toutes les boites ne s’en sortiront pas indemnes. Les licenciements sont et seront là, et le très grand risque est de ne pas avoir de stratégie pour contrer les EFFETS de ces licenciements sur la conscience de classe. A la faveur de la lutte immédiate par le développement de la solidarité interprofessionnelle locale, les collectifs des « boîtes en lutte » doivent être le fer de lance de la construction d’organisations permanentes de solidarité et d’entraide. C’est le seul moyen de lutter contre l’individualisme, le corporatisme, le défaitisme que les licenciements nourrissent. La conscience de classe n’est pas le produit d’un discours philosophique mais avant tout du vécu collectif, de la nature des organisations de lutte. Ces organisations permanentes sont indispensables pour combattre toutes les dérives, tous les replis.

La solidarité interprofessionnelle doit dépasser le cadre étroit de l’entreprise pour s’attacher à la solidarité interprofessionnelle en dehors ( logement, coopératives de consommation, associations de culture ouvrière,…) de l’entreprise. Cela doit exister de manière permanente, donc dans le cadre de nos unions locales et départementales. Par là aussi, la lutte actuelle dans l’immédiat de défense des emplois, préparera la grève générale.


Conclusions

Les collectifs des « boîtes en lutte » joueront ainsi tout leur rôle s’ils intègrent une stratégie globale qui vise l’efficacité immédiate des luttes pour obtenir des victoires, même partielles, mais aussi la préparation de la grève générale et sa victoire, seule garantie de stopper net la restructuration incessante du capitalisme en se débarrassant de ce système.

Mais cela ne sera possible que si ces collectifs ne contournent pas les structures syndicales de base. Il faut s’imprégner de l’idée que les difficultés essentielles du syndicalisme de classe résident dans la faiblesse de ses structures : peu de syndicats d’industrie, des UL et UD en difficultés, quasiment pas d’organisations permanentes de solidarité et d’entraide du prolétariat. Or sans structures adaptées à l’objectif que l’on se donne (gagner dans l’immédiat, préparer et gagner la grève générale), on peut difficilement entrevoir des perspectives réalistes aux luttes : avoir des chances d’abattre le capitalisme. Ce sont là nos responsabilités comme militants syndicalistes, responsabilités que nous n’avons pas à renvoyer par facilité à des « directions traîtres ».

 

 [1] Courant Syndicaliste Révolutionnaire