Depuis quelques semaines, les médias nous annoncent en fanfare la « fin de la crise économique ».

Ils oublient juste quelques détails.

D'une part la récession n'est pas terminée. Elle le sera quand les indicateurs économiques auront retrouvé leur niveau d'avant-crise. On est très loin du compte.

D'autre part nous ne sommes pas tous dans le même bateau. Nous ne sommes pas tous en train de contempler avec satisfaction la remontée des cours de nos actions. En fait, la grande majorité de la population ne voit pas en quoi la situation s'améliore, et c'est normal. Dans le monde entier, à partir de janvier 2009, les salariés non-licenciés se sont retrouvés à faire le boulot de leurs collègues licenciés. Aux USA (les chiffres pour la France ne sont pas encore disponibles), la productivité par ouvrier a ainsi augmentée de 6,4% entre mars et juillet 2009. Les travailleurs n'osent pas se plaindre :ar les patrons licencient à tour de bras. En France, le chômage "officiel" est passé de 7,4% en 2008 à 9,7% en 2009 ... et continuera d'augmenter jusqu'à atteindre une pointe de 10,8% en janvier 2011 a prévenu l'OFCE. Si on ajoute le sous-emploi réel (les personnes désirant travailler à temps-plein mais ne trouvant que des emplois à mi-temps), il apparaît que 30% de la population cherche du travail. Symptômes du délire funeste dans lequel nous entraîne le capitalisme : des centaines de milliers de personnes cherchent à travailler, tandis que ceux qui ont du travail sont surmenés au point de contempler le suicide; des milliers d'usines tournent au ralenti, tandis que le nombre d'êtres humains ne pouvant satisfaire leur besoins essentiels a augmenté de 300 millions au cours des six derniers mois.

La crise de 2008 (comme celles de 2001, de 1991, de 1982, de 1973, de 1958, de 1937, de 1929, ...) signale la fin d'un cycle économique. La reprise après la récession commence toujours par la consommation des ménages. Pendant la crise, les entreprises ont écoulé tout leur stocks, réduit la production, licencié leur personnel, arrêté tout investissement en équipements, résultat : elles ne sont plus en surproduction. Donc, les entreprises qui ont survécu (les grosses) doivent se remettre à produire (à un niveau bien plus faible) pour satisfaire la demande en produits de première nécessité qui se manifeste lorsque tous les stocks sont écoulés. La population a toujours besoin de s'alimenter, de se vêtir, de se loger, de se déplacer.

Mais les entreprises ne tournent actuellement qu'à 70% de leur capacité réelle de production. Elles n'ont aucun intérêt à embaucher, car le chômage a fait peur aux travailleurs. Ceux-ci n'osent pas demander d'augmentations de salaire ou de réductions du temps de travail. Les patrons vont donc en profiter, comme ils le font à chaque cycle économique, pour garder le même nombre réduit d'employés mais de leur faire tourner la boîte à 70%, puis à 75%, puis à 80%. On est encore très loin d'une embauche massive et les économistes sont pessimistes : la reprise sera longue et marquée par une tendance très nette à la stagnation.


Stagnation.


Le mot est lâché.

Cela fait maintenant trente-huit ans que l'économie mondiale stagne. Les années de reconstruction de l'après-guerre, les trente glorieuses, n'auront été qu'une période d'exception. Les économistes marxistes ont donc raison : le capitalisme a une tendance profonde, historique, inévitable, à la sur-production, à la sur-accumulation. Les consommateurs voient leurs salaires réels diminuer d'année en année, et donc les marchés ne peuvent absorber toute la production . Mais alors pourquoi les trente glorieuses de l'après-guerre ? En fait, les années 1947-1973 sont le fruit d'une immense accumulation de capital financier non-productif (l'industrie de l'armement rapporte beaucoup mais n'est pas un secteur réellement productif), parallèlement à une immense destruction de capital industriel (Europe et Japon) et enfin (dans les années 57-72) l'apparition d'un nouveau mode de vie (la "suburbia" américaine : accession à crédit au logement individuel loin du centre-ville, réseau autoroutier, voiture à crédit pour tous). Ces trois facteurs (capitaux financiers en abondance, capitaux industriels en sous-production, révolution technologique) vont alimenter une croissance de trente ans et la seule période de plein emploi de l'histoire du capitalisme.

Mais dès le début des années 70, le capitalisme renoue avec la surproduction ... et hop ! retour à la stagnation. Même une révolution technologique comme l'informatique et l'internet (1980-2000) n'a pas le même impact que la révolution maison-autoroute-voiture (1950-1970).

Les capitalistes attendent avec ferveur la prochaine révolution technologique qui regonflera le système. Mais le système peut-il être regonflé ?


En attendant, les corollaires de la stagnation du capitalisme industriel sont au nombre de trois :


1) la violence accrue de l'offensive du capitalisme contre les travailleurs depuis 1975. Pour maintenir un taux de profit acceptable, les capitalistes doivent faire baisser le coût des salaires réels et augmenter le temps de travail. Ils délocalisent donc massivement dans les pays émergents (surtout en Chine). Dans les pays industrialisés, on assiste au cassage systématique des droits sociaux (privatisation, fin de l'indexation des salaires sur l'inflation, élimination de la législation sur le temps de travail) et à la neutralisation des syndicats.


2) l'expansion sans précédente du capitalisme financier par rapport à la production réelle de biens et de services. Comme les salaires n'augmentent pas (en fait, ils baissent d'année en année avec l'inflation) mais que la productivité, elle, augmente, les capitalistes se retrouvent avec un tas de fric qu'ils ne peuvent ré-investir dans des usines déjà en surproduction. S'ils veulent continuer à faire fructifier ce fric, ils doivent le placer dans les banques. Le capitalisme dégénère : les capitalistes s'imaginent pouvoir produire de l'argent magiquement rien qu'avec de l'argent, sans passer par la case production.

Du coup, les transactions relatives aux biens et services ne se montaient qu’à un peu moins de 3% des paiements monétaires de la planète en 2007, contre 30% pour les transactions de change et 65% pour les transactions sur dérivées.  

 

3)L'accélération vertigineuse des tendances monopolistiques du capitalisme. Depuis les années 80, la concentration, les rachats, les fusions, s'enchaînent. Un nombre restreint de grands groupes contrôle l'économie et utilise les gouvernements pour asseoir leur domination. Fini la concurrence sur les prix (trop coûteuse), désormais, les grands patrons s'entendent entre-eux pour maintenir les prix et font confiance à la publicité pour inciter les travailleurs à consommer leurs portables et leurs voitures. Le résultat est une inflation galopante (dont on rend responsable les travailleurs ! Ceux-ci seraient « trop payés » !) et un endettement de plus en plus important des salariés (l'endettement des ménages a doublé en dix ans).



A suivre ...


Dans les prochains articles nous examinerons les causes et les conséquences de ces trois phénomènes (monopoles, financiarisation, exploitation accrue des travailleurs) et ce qu'ils impliquent pour l'avenir du système capitaliste.